JointHealth
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JointHealth™ insight   janvier 2008


Ce numéro du Mensuel JointHealth™ explore les avenues du traitement de l'arthrite en temps opportun.


Prises de position

Arthrite et invalidité - le coût humain

Imaginez ce scénario :
Assise dans le bureau de votre médecin, vous souffrez le martyre. Il y a quelques mois, vous vous êtes levée avec une douleur atroce. Vos articulations sont à ce point douloureuses, raides et enflées que vous avez peine à les reconnaître comme faisant partie de votre corps.

L'expérience frustrante de ces derniers mois vous a menée d'un médecin à l'autre. Vous insistez : ce que vous vivez n'a aucun bon sens. L'attente désespérante pour une consultation chez un spécialiste s'est étirée sur des semaines et des mois. Et enfin dans son bureau, vous avez raconté encore et encore votre histoire. À la maison, vous êtes passée de l'autonomie à la dépendance, pour trop de choses. Les tâches les plus simples, vous brosser les dents ou vous habiller, sont maintenant au-dessus de vos forces. Depuis le début de vos malaises, vous n'êtes plus capable de travailler. Jusqu'ici, votre patron a été patient. Mais vous savez fort bien que si vous ne reprenez pas le travail, vous pouvez dire adieu à votre emploi.

Face à face, il n'y a que vous et la rhumatologue, qui, vous l'espérez, pourra vous aider. Installée à son bureau, elle vous apprend que vous souffrez d'arthrite psoriasique. Vous êtes sidérée. Moi, de l'arthrite ? À 32 ans ?

Elle vous donne un aperçu de ce qu'est l'arthrite psoriasique et décrit la progression de la maladie, comment elle s'attaque aux articulations et les déforme, puis, vous assure qu'il existe des médicaments efficaces et qu'avec un traitement approprié, vous serez bientôt capable de reprendre le cours de votre vie et faire tout ce que vous ne pouviez plus faire, depuis quelques mois. Elle vous parle des modificateurs de la réponse biologique (ou " biologiques ") - une classe de médicaments efficaces contre l'arthrite psoriasique - et vous explique qu'en les incluant dans un plan de traitement " gagnant ", la rémission, ou du moins, la gestion efficace de la maladie, peut être envisagée.

Soupir de soulagement. Mais qui sera de courte durée. Elle vous informe que les médicaments dont vous aurez besoin ne sont pas remboursés par le régime public de votre province. Un traitement efficace existe, c'est certain. Mais vous n'y avez pas accès. Plutôt, vous n'avez pas les moyens de vous le payer. Vous êtes sous le choc. Un traitement efficace existe contre la maladie dont vous souffrez mais quelqu'un au gouvernement a décidé que de vous redonner une vie normale n'entre pas dans la norme " coût-efficacité ".

Pour des milliers de Canadiens, ce scénario n'est que trop réel. Bien que les médicaments contre l'arthrite psoriasique et d'autres formes d'arthrite inflammatoire aient grandement évolué au cours de la dernière décennie, ils ne sont tout simplement pas accessibles à ceux et celles qui en ont besoin. Trop souvent, leur coût est si élevé qu'il est impossible pour une personne à faible ou à revenu modeste de se les procurer.

Assez souvent, les gouvernements provinciaux s'appuient sur leur norme " coût-efficacité " pour ne pas inscrire des médicaments à la liste remboursable. En réalité, le coût entraîné par le refus du gouvernement de rembourser ces médicaments est bien plus élevé que la dépense elle-même, comme le démontre l'article Dépenses et gros bon sens dans ce numéro.

L'argument de base est le suivant : la norme " coût-efficacité " met en danger la vie des arthritiques. Une telle évidence est incroyable au Canada, un pays où l'accessibilité universelle est un principe reconnu, sans égard pour la capacité de payer.


Prises de position

Articles prioritaires de l'ACAP

Pour identifier clairement les changements impératifs à apporter à la prévention et au traitement de l'arthrite au Canada, l'Alliance pour un programme canadien de l'arthrite (ACAP) a mis l'accent sur trois des articles de sa norme nationale :
  1. Tout Canadien doit être sensibilisé à l'arthrite.
  2. Tous les professionnels de la santé participants devraient être en mesure d'effectuer un dépistage de l'appareil locomoteur valable, standardisé et approprié à la tranche d'âge du patient.
  3. Tout Canadien souffrant d'arthrite doit avoir un accès équitable et en temps opportun aux médicaments appropriés à son état.
Ces trois articles sont les fondements de l'excellence dans la prévention, le traitement et la gestion de l'arthrite au Canada.


Prises de position

Améliorer les soins - la seule avenue vers l'excellence dans la prévention et le traitement de l'arthrite au Canada

Les personnes arthritiques et les médecins qui les soignent savent que le traitement de l'arthrite au Canada exige un nouveau modèle de soins. Partout au pays, les arthritiques en quête de traitement approprié se heurtent aux embûches que dresse le système de santé, à chaque point d'entrée, des obstacles que, vraisemblablement, les personnes atteintes d'autres maladies n'ont pas à franchir.

Les gouvernements ne semblent pas disposés à consacrer de l'argent à la lutte contre l'arthrite. Dans le numéro de novembre du Mensuel JointHealth, le comité ACE faisait état de la discrimination vécue par les arthritiques. D'une part, la recherche subventionnée par le fédéral vise très largement le cancer, le sida et le diabète, et très peu l'arthrite. Et d'autre part, les médicaments les plus efficaces pouvant freiner la progression de l'arthrite sont le plus souvent non remboursés par les régimes publics provinciaux.

Il s'agit d'un constat d'accès inéquitable au traitement à double volet puisque la discrimination s'exerce géographiquement (selon la province) et médicalement (selon la maladie - cancer, sida, diabète ou arthrite).

Pour traiter le plus efficacement possible les quatre millions et demi de Canadiens souffrant d'arthrite, voici quelques problèmes et leurs solutions :

  • Problème :
    Partout au pays, le délai de consultation chez un rhumatologue (spécialiste de l'arthrite) s'étend bien au-delà de la recommandation de quatre semaines et peut s'étirer sur plusieurs mois. Au Canada, moins de 270 rhumatologues doivent servir près de quatre millions et demi de personnes atteintes d'une parmi la centaine de formes d'arthrite. La recherche indique que, contrairement à celles traitées par un rhumatologue, les personnes souffrant d'arthrite inflammatoire (plus de 600 000 au Canada) soignées uniquement par un omnipraticien sont plus susceptibles de recevoir des soins qui ne seront pas nécessairement conformes aux normes de pratiques exemplaires les plus récentes.
  • Solutions :
    • Tous les professionnels de la santé participants devraient être en mesure d'effectuer un dépistage de l'appareil locomoteur valable, standardisé et approprié à la tranche d'âge du patient (Article prioritaire no 2 de l'ACAP).
    • Les omnipraticiens devraient recevoir toute l'information sur les différentes formes d'arthrite et être suffisamment alertés pour référer immédiatement à un rhumatologue tout cas d'arthrite inflammatoire grave ou associée à d'autres pathologies. De même, ils doivent recevoir toute la formation requise en accord avec les pratiques exemplaires à jour, afin de traiter tout cas d'arthrite modérée, sans complications.
    • Il est vital de contrer la pénurie de rhumatologues au Canada en formant plus de spécialistes. Mettre sur pied plus d'unités pouvant accueillir les jeunes médecins désireux de se spécialiser en rhumatologie est une solution.
  • Problème :
    Les régimes publics varient considérablement d'une province à l'autre. Par exemple, une personne souffrant d'arthrite psoriasique (AP) et vivant au Québec aura accès à trois différents " biologiques " remboursés par le régime public, tandis qu'en Ontario, seuls deux " biologiques " sont remboursés. Pour ce qui est de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de plusieurs autres provinces, les personnes souffrant d'AP n'ont accès à aucun " biologique " puisque ces médicaments ne sont pas inscrits à la liste de leur province.

    À l'exception du Québec, toutes les provinces adhèrent au Programme commun d'évaluation des médicaments (PCEM). Ce programme scrute le rapport coût-efficacité des nouveaux médicaments approuvés par Santé Canada et fait des recommandations pour leur inscription ou non à la liste provinciale. Toutefois, suivant la recommandation du PCEM, chaque province fait sa propre évaluation et décide de l'inscription ou non à sa liste.
  • Solutions:
    • Tout médicament faisant l'objet d'une " recommandation d'inscription " du PCEM devrait être inscrit dans les deux mois à la liste provinciale.
    • Les médicaments n'ayant pas reçu cette recommandation mais dont la supériorité clinique sur les traitements actuels a été constatée par de solides preuves scientifiques colligées par des pairs devraient être remboursés par les régimes publics par le biais d'une liste provisoire réservée aux patients les plus dans le besoin. Leur rapport coût-efficacité pourrait alors être vérifié sur une période de 6 à 12 mois.
    • Les décideurs provinciaux doivent absolument décloisonner le " budget-silo " et inclure dans la balance non seulement les coûts de remboursement d'un médicament, mais également les coûts du non et du sous-traitement d'une maladie.
  • Problème :
    Les personnes arthritiques vivant en région ont un accès très limité aux soins requis. Elles doivent souvent se déplacer sur des centaines de kilomètres pour consulter un rhumatologue ou profiter d'un programme de réadaptation.
  • Solutions:
    • Offrir de la formation poussée sur l'arthrite et autres maladies musculosquelettiques aux professionnels de la santé exerçant en région et développer un réseau de télémédecine reliant ces professionnels à une équipe spécialisée pour le traitement de cas complexes d'arthrite inflammatoire.
  • Problème :
    Le niveau de sensibilisation du public envers la centaine et plus de formes d'arthrite est incroyablement faible et comparée au cancer, au diabète et au sida, la couverture médiatique de l'arthrite est d'une minceur lamentable.
  • Solutions:
    • Tous les enfants devraient être sensibilisés à l'arthrite en incluant des cours d'éducation en santé dès le cours élémentaire. Des stratégies de prévention de certaines formes d'arthrite, comme l'arthrose, et l'identification des signes précoces apparaissant dès l'enfance et plus tard pourraient faire partie de ce cours.
    • Les personnes arthritiques, en racontant leur histoire personnelle, et les groupes de défense des arthritiques, en s'assurant que les formes d'arthrite fassent l'objet d'articles adéquats dépassant le mythe répandu, doivent œuvrer à la sensibilisation des médias.
  • Problème :
    La recherche sur l'arthrite profite de subventions fédérales beaucoup moins importantes que d'autres maladies graves entraînant la mort. Pour chaque arthritique, le gouvernement canadien consacre un mince 94 cents à la recherche, comparé à 731 $ par sidéen, 14,16 $ par cancéreux et 4,98 $ par diabétique.
  • Solutions:
    • Les gouvernements doivent hausser les sommes consacrées à la recherche sur l'arthrite au même niveau que celles consacrées aux autres maladies mortelles. Les affections musculosquelettiques (arthrite et arthrose) sont la cause première d'invalidité au Canada, entraînant un coût annuel d'environ 16,4 milliards de $. Les arthritiques devraient profiter des mêmes ressources en recherche que les personnes atteintes d'autres maladies.

Prises de position

Améliorer les soins - la seule avenue vers l'excellence dans la prévention et le traitement de l'arthrite au Canada

Dépenses et gros bon sens - le coût de l'invalidité au Canada
Plus souvent qu'autrement, le coût est au cœur des discussions sur les médicaments, autant à l'échelle gouvernementale que dans les médias.

Dans une récente entrevue, Sheila Coles de la radio de la SRC demandait à Cheryl Koehn, présidente du comité ACE, de justifier le coût du traitement aux " biologiques " des personnes souffrant de spondylarthrite ankylosante. Madame Koehn répondait que les contribuables canadiens payent et continueront de payer des sommes encore plus considérables pour soutenir l'invalidité que pour la traiter et la prévenir.

À bien des égards, l'invalidité évitable entraîne des coûts beaucoup plus élevés que ceux d'un traitement approprié. Selon les Instituts de recherche en santé du Canada, les maladies musculosquelettites (arthrite et arthrose) coûtent aux Canadiens 16,4 milliards de $ par année, soit, 2,6 milliards de $ en coûts directs (honoraires, soins hospitaliers et médicaments) et 13,7 milliards de $ en coûts indirects (invalidité et décès).

Sans parler de la baisse dramatique de la qualité de vie de nos concitoyens et du terrible fardeau émotionnel et social associé à l'arthrite non contrôlée ! Le soutien d'une personne invalidée par l'arthrite est plus onéreux en espèces sonnantes pour le gouvernement que le remboursement de médicaments administrés dans un plan de traitement précoce et agressif, conformément aux normes de pratiques exemplaires actuelles, et ce, sans exception.

Prenons l'exemple d'une femme célibataire, âgée de 45 ans, sur le marché du travail depuis 25 ans et avec un revenu annuel de 30 000 $ qui recevrait un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde (PR) grave. Comme elle habite la Colombie-Britannique, le coût du traitement au " biologique " recommandé par son médecin représente pour le gouvernement une dépense d'environ
15 000 $ par année. Dans le cas d'un traitement de 10 ans (variable, car selon la précocité et l'agressivité du traitement, la rémission ou le sevrage peuvent survenir plus rapidement), la dépense totale pour le gouvernement serait de 150 000 $.

Dans le cas où le médicament n'est pas remboursé par le régime public de sa province, notre célibataire ne pourra se permettre la dépense. Selon toute probabilité, sa maladie l'empêchera de travailler - l'incapacité au travail étant la première conséquence de la PR, selon les études - et devra compter sur l'aide gouvernementale pour survivre. Voici seulement quelques coûts de base associés au soutien de notre célibataire invalide :

  • Prestations d'invalidité
  • Prestations d'invalidité combinées (provinciales et fédérales) 906 $/mois = 10 872 $/année2 3
  • Chirurgies - remplacement du genou : 11 500 $4
  • Perte de revenus fiscaux : 5 574 $ (selon un salaire annuel de
    30 000 $ et un taux d'imposition combiné de 18,58 %)5
  • Prestations MSP : 32,40 $/mois, 388 $ par année6
Grand total pour 10 ans :
  • 168,340 $ en aide sociale et en perte de revenu/prestation
  • 191,340 $ avec le remplacement des deux genoux
En clair, si le gouvernement avait assumé le coût d'un traitement adéquat à l'apparition de la maladie, l'économie aurait dépassé la dépense en médicaments seulement.

Et ces chiffres n'incluent pas les multiples coûts associés au soutien d'une personne invalide ou dont la maladie n'est pas adéquatement contrôlée (physiothérapie, ergothérapie, soins à domicile, consultations fréquentes, hospitalisation). Bien que difficiles à estimer sur une base individuelle, ces dépenses augmentent considérablement le coût de l'invalidité au Canada.


1 - http://www.cihr-irsc.gc.ca/e/24935.html
2 - http://www.mhr.gov.bc.ca/factsheets/2004/DisabilityAssist.htm
3 - http://www.hrsdc.gc.ca/en/isp/cpp/applicant.shtml#contrib
4 - http://www.ctv.ca/servlet/ArticleNews/story/CTVNews/20070205/boomers_agehub=Health
5 - http://www.health.gov.bc.ca/msp/infoprac/physbilling/payschedule/pdf/27.%20orthopaedics.pdf
6 - http://www.health.gov.bc.ca/msp/infoprac/physbilling/payschedule/pdf/8.%20anesthesia.pdf
7 - http://www.taxtips.ca/calculators/taxcalculator.htm
8 - http://www.hlth.gov.bc.ca/msp/infoben/premium.html#monthly


Prises de position

L'exemple du sida : une possibilité

Depuis les 15 dernières années, nous avons assisté à de remarquables avancées dans la prévention et le traitement du sida. Quantité de travaux de recherche novateurs se sont succédés au Centre d'excellence du sida de la Colombie-Britannique. Ce centre de recherche, de traitement et d'information sur le sida, le plus important au Canada, a pour mission, tel qu'affiché sur son site Web, de fournir " des soins et traitements aux personnes infectées par le VIH, de la formation aux médecins et professionnels de la santé partout dans la province et de promouvoir une politique sociale fondée sur des preuves et visant à protéger le public de la contamination ".

Ce modèle global de recherche, d'éducation, de prévention et de traitement s'est avéré d'une extraordinaire efficacité dans le cas du VIH. Et l'une des raisons de ce succès est le regroupement sous un même toit de la recherche, de l'éducation et du traitement de la maladie, permettant ainsi aux experts les plus réputés d'innover quant aux protocoles de traitement et aux travaux de recherche pointus. En d'autres termes, les décideurs de la Colombie-Britannique en matière de traitement contre le sida sont des experts cliniques et non des bureaucrates centrés sur les coûts à court terme.

Le traitement est coordonné à partir du centre, offrant ainsi aux malades un " portail unique " au traitement. Selon le site Web du centre : " En Colombie-Britannique, tous les médicaments anti-VIH sont fournis sans frais aux personnes infectées admissibles par le biais du programme de traitement du centre. Plus de 7 400 Britanno-colombiens y sont inscrits depuis la création du programme, en 1992 ".

Sachant tout ce qui est fait en matière de recherche, de prévention, d'éducation et de traitement de l'arthrite au Canada, il est évident qu'un centre similaire voué à la prévention et au traitement de l'arthrite changerait la donne pour les quelque quatre millions et demi de personnes arthritiques au Canada. Le temps est venu pour tous les arthritiques d'accéder à la même qualité de soins prodigués aux personnes souffrant d'autres maladies. Toute autre avenue ne peut qu'être inacceptable.


Reconnaissance de financement
Au cours des douze derniers mois, ACE a reçu des subventions sans restrictions des organisations suivantes : Abbott Laboratories Ltd., Amgen Canada / Wyeth Pharmaceuticals, Arthritis Research Centre of Canada, AstraZeneca Canada Inc., Bristol-Myers Squibb Canada, Glaxo-SmithKline, Hoffman-La Roche Canada Ltd., Merck Frosst Canada, Pfizer Canada et Schering Canada. Le comité ACE reçoit également de partout au Canada des dons non sollicités en provenance des membres de sa collectivité (les personnes souffrant d'arthrite).

ACE remercie ces organisations privées et publiques et individus.


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